• Il y a des jours où mon esprit est embrumé. Des jours où j'ai l'impression de ne pas faire fonctionner ce corps, d'être juste le spectateur de ses mouvements.

    Dans ces instants là, tout est automatique, et moi, je ne suis simplement plus là.

    Je me sens vide. Loin de tout.

    Et cette brume semble s'épaissir au fur et à mesure du temps, pour m'engloutir peu à peu. 

    C'est dans ces instants que la solitude pèse de plus en plus lourde sur mes épaules.

    Le pire arrive quand les souvenirs remontent. Des brides de souvenirs douloureux.

    Une parole, un visage, du sang. Et ma respiration qui s'en fait de plus en plus difficile.

    J'ai l'impression qu'un millier d'aiguilles s'enfoncent dans mon crâne.

    J'entends des cris. De nombreux cris. Et je ne sais plus si ce sont les miens, où ceux d'une famille agonisante. Où encore ceux de mon père, lorsqu'il sent le couteau de cuisine s'enfoncer une première fois dans son corps.

    Tout ce que je sais, c'est que ces cris me hantent, au point de m'en faire perdre la raison.

    Et cette solitude n'arrange jamais rien.

    Dans ce calme assourdissant, le silence semble hurler dans mes oreilles, jusqu'à me rendre sourd.

    Je me sens partir, loin de tout, et m'enfoncer au plus profond de moi, suffisamment pour me sentir prisonnier de mon propre corps.

    Mes larmes coulent tout au long de ce corps, corps qui me répugne, et j'ai l'impression d'être trempé de la tête aux pieds. Je crois bien que mon être tout entier verse ses larmes.

    Et alors que je perds pieds, une voix raisonne dans mon esprit.

    "Tu n'es pas seul, Raphaël. Tu ne l'es plus."

    Le psy et sa voix de la raison me sortent de cette brume si épaisse, et j'y vois plus clair. Même si dans l'obscurité de la nuit, la lumière est absente.

    Et si ce vieil homme m'a convaincu de parler lors de ses consultations, je ne me sens pas capable de me rendre dans son bureau en dehors des rendez-vous convenus.

    Alors je reste seul, et m'enfonce de nouveau dans les abîmes de mon esprit.

                                                                                             

    Enfin quelques nouvelles du personnage le plus apprécié de ce secteur.

    Que pensez vous de ce texte ?

    Samaëlle.


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  • Quand je regardais mes mains, j'y voyais presque le sang qui les avait recouverte.

    Je me voyais comme un monstre, une horreur qui ne méritait pas de vivre libre.

    Je passai mes journées dans ma chambre, seul, enfermé, et ne m'autorisai même pas à sortir pour manger. Bien sûr, les infirmiers ne cessaient de venir m'apporter un plateau repas, mais je n'y touchais jamais.

    J'ai eu la ferme envie de mourir, de quitter ce monde pour lequel je n'étais pas fais. Ce monde qui m'avait rendu si agressif, ce monde qui m'avait rendu si différent.

    Mais il y avait eu Richard, ce vieil homme qui aurait dû prendre sa retraite il y a longtemps, mais qui persistait à prendre sa fonction de psychologue.

    J'avais refusé de me rendre aux deux précédentes consultations, et j'avais vraiment été surpris de le voir, ce jour là, passer le pas de la porte.

    Il était vraiment essoufflé, et de la sueur perlait sur son front. Son regard avait rencontré le miens, et il n'avait pas hésité à me faire un grand sourire.

    – Tu me donnes du fil à retordre, gamin. Ce n'est plus de mon âge de monter les escaliers !

    Je penses que j'aurais ri si je n'avais pas été aussi abasourdi. J'aurais vraiment pensé qu'il me maudirait de tous les noms, mais ce n'était absolument pas le cas. Son ton était doux, et son visage dégageait une expression vraiment très calme.

    – Ça fait maintenant trois jours que tu es là, et tu n'es même pas venu me faire un petit coucou. Est ce qu'un vieillard comme moi te fait peur ?

    J'avais secoué la tête, encore assaillis par mes pensées sombres. Je n'avais même pas envie de dire un mot. Et même si je l'avais voulu, je ne savais pas exactement comment mes cordes vocales auraient réagi. À cause du manque d'hydratation.

    – Tu sais, je suis au courant de ce que tu as fais.

    L'entendre m'avais serré le cœur. S'il était là pour me faire des reproches, alors pourquoi rester aussi calme ? Pourquoi être aussi souriant ? Se moquait-il de moi ?

    J'avais si peur, j'avais si mal, que ma tête s'était baissée toute seule.

    – Je crois savoir ce que tu penses de toi en ce moment même. Mais, si je peux me permettre, c'est totalement abject.

    Je ne comprenais pas. Je ne comprenais rien. Je ne voulais même pas entendre ce qu'il disait, et pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher d'écouter.

    – Si tu n'avais pas agi ce soir là, ta mère et ta sœur seraient six pieds sous terre.

    Un sanglot remonta dans ma gorge, et ma poitrine se serra avec tant de force que je n'eus pas la possibilité de le retenir. À mon âge, je n'arrivai même pas à m'empêcher de pleurer.

    L'homme s'avança de sa démarche lente, jusqu'à pouvoir m'atteindre. Je sentis plus que je ne vis sa main se poser sur ma tête, et ébouriffer mes cheveux.

    – Je ne comprends pas pourquoi je suis ici, et pas en prison, avais-je lâché d'une voix rauque.

    – Tu as tué ton père pour la bonne cause. Ça s'appelle de la légitime défense.

    J'avais secoué la tête, certain du contraire.

    – Tu ne comprends pas.

    J'avais mis quelques secondes avant de me rendre compte que je l'avais tutoyé. Mais au point où j'en étais, c'était bien insignifiant.

    – Mon père voulait que je les frappes à mon tour. Il disait que c'était mon rôle d'homme. Devenir comme lui.

    – Aucun homme ne doit frapper sa femme, ni ses enfants, Samuel.

    Un soupir plus loin, et je me sentais vraiment en colère.

    – Osez me dire que vous n'avez jamais frappé votre famille.

    – À part quelques fessées à mes enfants, pour l'éducation, jamais. Si pour toi ça paraissait normal, c'est parce que tu n'as connu que ça depuis ton enfance. C'était ton mode de vie, mais tu l'as refusé. Et tu as bien fait.

    – Non !

    Mes mains tremblaient avec tant de force que je n'arrivais plus à les contrôler. Je revoyais le corps de mon géniteur, sur le sol, ensanglanté suite à sa chute. Chute due à ma bousculade.

    Je le revoyais percuter le plan de travail, et tomber lourdement sur le sol carrelé.

    Encore une fois, ma vue se brouillait.

    – Si j'avais accepté, il serait encore là, murmurais-je.

    – Mais deux autres membres de ta famille ne le seraient plus.

    C'était vrai. Et cette vérité me rendait d'autant plus la rage.

     

    Il avait raison. Et ça me rendait malade.

                                                                                              

    Qu'en pensez vous ?

    Sasha.


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