• Après deux heures de trajet, je pouvais enfin arrêter le moteur de mon taxi et sortir me dégourdir les jambes. Ma passagère, quand à elle, ne bougea pas d'un pouce.

    Sans un mot, je sortais gentiment ses maigres bagages de mon coffre, avant de lui ouvrir délicatement la porte afin qu'elle puisse sortir. Ce qu'elle fit sans même croiser mon regard.

    En quelques enjambées, nous fûmes dans le hall d'entrée. Je ne m'étais même pas posé de questions, l'accompagner jusque là m'avait paru totalement naturel.

    La pauvre enfant semblait sur le point de pleurer. Et moi même, je me sentais vraiment attristé. Pour un homme, c'est peu commun, et peut-être pas adapté, mais c'était vraiment horrible de se voir confier une enfant ainsi rejetée.

    En effet, la petite s'était faite jetée dans mon propre taxi par des parents furieux. Je me souviens de les avoir entendu parler d'une monstrueuse effrontée, et je n'ai pas attendu qu'ils la détruisent d'avantage avant de me diriger vers l'adresse donnée. L'Institut Misterious Mist.

    J'étais vraiment furieux contre ces parents indignes. Et soulagé de confier cette enfant à des professionnels aimables. En tout cas, ils m'ont vraiment inspiré de la gentillesse lorsqu'ils avaient approché la jeune fille, et qu'ils lui avaient souhaité la bienvenue avec une bienveillance incroyable.

    Quelques mots plus tard, et elle était emmenée par une psychologue qui n'avait pas l'air d'en être une, et je restais plantée là, avec une secrétaire souriante.

    Avant de partir, j'ai tenu à lui raconter la scène dont j'avais été témoins.

    Puis, sans hésiter, j'avais glissé les quelques billets qui auraient dû servir à payer le voyage sur son bureau.

    - La petite en aura plus besoin que moi.

    Sans un mot de plus, je m'étais détourné pour rejoindre mon véhicule.

    Peut-être même que j'allais revenir la voir.

                                                                                        

    Un texte simple et court qui me tenait tout de même à cœur.

    Qu'en pensez vous ?

    Sasha.


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  • Nous y étions. Enfin.

    Après une longue période de crise à la maison, une bataille infernale pour boucler la valise, et une course contre la montre lors du trajet, on était arrivé.

    Mon fils s'était laissé traîné jusqu'au hall d'entrée, où se trouvaient déjà des enfants accompagnés de leurs tuteurs. Nous étions en retard, et pourtant, le personnel restait discrètement dans l'ombre pour laisser du temps aux au revoir.

    Mon fils faisait sa première entrée dans l'institut. Ma femme avait pris soin de s'occuper de lui parler de ce lieu, pour le faire à l'idée, mais n'avait pas trouvé le courage de nous accompagner jusqu'ici. Naturellement, elle avait trouvé une excuse pour se faire pardonner, mais je sentais que notre enfant était d'autant plus angoissé par son absence.

    Jules était un garçon très calme, peut-être trop, et n'avait cessé de souffrir à l'école. Ses camarades de classe ne l'avaient jamais accepté auprès d'eux, tout simplement parce que mon petit Jules aurait voulu naître en Julie. En classe, même les professeurs avaient eu du mal à faire taire les insultes, jusqu'au jour où ça a dégénéré.

    Mon fils s'est fait tabassé dans la cour de récréation par sa propre classe, mais aussi par des classes au niveau plus élevé, lorsque les surveillants avaient le dos tourné. Tout ça parce que ce jour là, il avait tenu à porter les bijoux de sa mère, ainsi qu'un joli foulard fleuri portant son parfum.

    Aujourd'hui, évoquer la classe n'était plus possible. Les crises d'angoisses ne se comptaient plus sur les doigts de nos mains. Le médecin nous avait assuré qu'il avait besoin d'un suivi psychiatrique pour affronter ses peurs et accepter d'être ce qu'il est. Un jour, mon fils pourrait devenir une fille, et contrairement à d'autres, cette idée me remplissait de joie. Il serait enfin heureux.

    Le fruit de mes pensées me ramena au présent en se cramponnant à mes bras, m'obligeant à me pencher vers lui.

    – De quoi as tu peur mon cœur ? Tu ne risques rien ici.

    Du haut de ses dix ans, il paraissait plus petit que d'autres enfants de son âge, mais je savais pertinemment que sa maturité était bien plus élevée que ce qu'elle aurait dû être.

    Son regard vacillait entre les personnes présentes et les murs couverts de peintures. Son air était scrutateur et songeur, et lorsqu'il comprit que les personnes portant un badge étaient des professionnels, il enroula ses bras autour de ma taille avec force.

    – Je ne veux pas rester ici, papa.

    – Je sais bien, mon chéri. Mais je suis sûre qu'à la fin de la semaine, tu me diras que tu t'es bien amusé.

    Il secoua la tête, et je sentis mon cœur se serrer. J'ai beau être un homme, ça ne m'empêche pas de ressentir de la tristesse. Je savais que, si ce n'était pas si nécessaire, j'aurais cédé et l'aurais ramené à la maison. Mais c'était notre seule solution pour continuer de le garder auprès de nous, en bonne santé.

    – Tu sais, on ne t'abandonne pas, maman et moi. Tu as de la chance, tu vas pouvoir rentrer à la maison tous les week-ends. Ce n'est pas le cas de tout le monde ici.

    C'est à ce moment là que les psychologues et infirmiers commencèrent à séparer les enfants des parents. Certains ne bronchaient pas, et devaient être habitué à cette situation, d'autres se mirent à pleurer, où à hurler. Quand Jules se rendit compte que lui aussi allait devoir me quitter, son petit corps se crispa contre le miens, et ses yeux se remplirent de larmes.

    – S'il te plaît, je ne veux pas que tu me laisses là.

    – Il le faut, mon ange. Tout le monde est très gentil ici, ça va bien se passer.

    Du coin de l’œil, je vis un grand homme brun s'approcher de nous. Il avait un large sourire rassurant, et affichait une mine chaleureuse et calme. Il me salua d'un signe de tête.

    Mon fils le fixait avec méfiance, et tenta de nous faire reculer lorsque l'adulte s'accroupit près de lui. Cela ne déstabilisa pas le professionnel, qui prit la parole.

    – Salut Jules. Je m'appelle Evan, je suis ton psychologue, et je serais là pour toi à tout moment.

    Je ne sais même pas comment il a su que mon fils était bien son patient. Peut-être grâce à la photographie de son dossier ? En tout cas, je ne l'avais pas rencontré une seule fois auparavant, et j'étais heureux qu'il ait su nous repérer seul.

    – Ta maman m'a dit que tu adorais la lecture ? J'ai une tonne de livre dans mon bureau, et il y a une immense bibliothèque au fond du couloir. On ira la voir après avoir visité ta chambre, si tu veux.

    C'était le signal. Il était l'heure de dire au revoir à Jules.

    Je me penchais pour embrasser mon fils, qui s'accrochait à moi avec autant de force qu'il le pouvait, et lui murmurais des mots doux pour tenter de l’apaiser. Ce fut comme s'il ne m'écoutait pas.

    Un dernier au revoir, la promesse de venir le chercher vendredi soir, et je le relâchais. Mais mon fils continuait de agripper à moi.

    Quand Evan pris ses mains dans les siennes, mon fils hurla autant que le lui permettaient ses poumons, et j'ai cru que j'allais flancher.

    Le voir être éloigné de force me fendit le cœur. Et l'entendre m'appeler au secours humidifia mes yeux.

    En quelques secondes, il disparut au coin d'un couloir.

    Et moi, je fus incapable de bouger pendant un long moment.

    Il allait me manquer.

    Terriblement.

                                                                                                

    Alors ?

    Sasha.


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